C’est à l’E3 2018 que sortait du bois Maneater qui plaçait le joueur dans la peau du plus redoutable prédateur des océans. Entre destruction de frêles chalutiers et boulotage de vacanciers imprudents, le coté très décalé de cette présentation fit mouche sur le public. C’est donc accompagné d’une aura pleine de sympathie qu’il pointait le bout de son cartilage en mai 2020. Mais que vaut exactement ce « Shark-PG », comme décrit par ses créateurs ? Enfilons notre plus belle tenue de plongeur et allons parcourir ensemble les eaux profondes de Port Clovis.
Fanart de drmambo199 -lien vers sa page Deviantart ici
J’ÔSE
Ha ! La téléréalité… Ce terreau de grands moments culturels. Ses concepts forts et emplis d’intelligence qui élèvent l’âme et l’esprit. C’est par le biais de l’une d’entre elle que nous suivons un célèbre chasseur de requin du bayou, Pete l’Écailleux (Scaly Pete) accompagné de son fils Kyle, venu aider son père durant ses vacances estudiantines. Le titre de l’émission ? Maneater pardi !
L’homme en tant qu’expert de sa profession, capture très rapidement une proie digne d’éloges. Et fait alors montre de sa profonde cruauté. Éventrant la créature, il en sort un requineau à peine viable. Scarifiant le nouveau-né pour l’identifier quand leur chemin se recroiseront, il le rejette dans les eaux putrides des marais. Et c’est à partir de là que notre carnassière épopée commence.
Votre grand rival pour le contrôle des eaux de Port Clovis
De petite taille, mais déjà très vorace, nous découvrons les capacités de notre bonhom…pardon, notre squale. Sonar, coup de queue et d’aileron, saut hors de l’eau et bien sur une mâchoire qui ne faillit jamais. Premier point à mettre en exergue, Maneater n’est en rien un traité de biologie marine. On est ici devant un titre non pas parodique mais dans l’exagération permanente, prenant de grandes libertés avec les vérités naturelles. Cela ajoute au coté déjanté revendiqué, rempli de références plus ou moins sérieuses et servi par une violence exacerbée jusqu’à l’absurde. Il faut ajouter à cela le commentaire du ‘présentateur’, qui suivra notre cartilagineux chasseur tout au long de sa croissance. Entre air pompeux et anecdote saugrenues, il brise par ses apartés le monde du silence. Et apporte un peu de vie dans ce qui resterait sinon un peu morne.
Les fonds marins sont -malheureusement- très bien représentés
Quoiqu’en fait on n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer. Car en tant que représentant de la caste des terreurs des fonds marins, il vous incombe de dévorer tout ce qui passe à votre portée. Du menu fretin pour commencer bien entendu. Et petit à petit, alors que notre bête devient de plus en plus énorme, vos proies deviendront plus imposantes également. Attention toutefois à qui vous vous mesurez, car vous ne serez pas de taille pour faire face à tout le monde.
KILL AND KILL AGAIN
Parce que oui, nous sommes bien là dans un RPG des plus classiques. Avec niveau, possibilité d’orienter notre bestiole plus dans la défense ou plus dans l’attaque, d’en faire un gros pataud ou une Ferrari des mers. Au fur et à mesure des objectifs accomplis, nous collecterons des évolutions qu’il sera possible d’équiper sur différentes parties de notre beau poisson (tête, nageoires, queue, corps…) et qui lui donneront des capacités ‘hors-normes’. Mâchoire drainant l’énergie, esquive électrique, nageoire bordées d’os qui le transforme en véritable mixeur vivant… Toute une panoplie d’effets qui accroissent la létalité déjà faramineuse de notre requin-bouledogue. Ah parce que oui, ce n’est pas un grand blanc que l’on incarne, on laisse ces grands frimeurs faire leurs starlettes au cinéma, nous on fait de la télé ici. De l’authenticité ! De la spontanéité ! De la violence ! Du sang ! Voilà ce que veulent les spectateurs.
Il est possible de transformer notre mastodonte en véritable tank des mers
Bien. Mais une fois le délire du contre-champ du film spielbergien digéré, que reste t-il ? Parlons un peu de la boucle de gameplay qui en aura chagriné plus d’un. De par la nature même de notre protagoniste, celle-ci en effet ne brille pas par sa diversité. Mangez dix mérous par-ci, croquez quinze tortues par-là, becqueter cinq baigneurs plus loin… Mais bon en même temps on incarne un requin, vous pensiez quoi ? Qu’on allait pouvoir piquer des hélicos ou braquer des banques ? Pour ma part cette récurrence séquentielle ne m’a pas dérangé, au contraire même. Le principe est clair, limpide comme de l’eau de roche. On ne tergiverse pas des heures à tourner en rond à se demander quoi faire. On va à l’objectif et on le dévore. Point barre. Next.
Et puis en vérité on fait tout de même un peu plus que cela. Il y a pas mal d’exploration à faire dans les différents quartiers de Port Clovis avec pas mal de collectibles à ramasser et des lieux remarquables à dénicher. Pas mal de grottes également (et d’égouts aussi, les ‘grottes urbaines’…). Évoquons la ville justement. Située dans le Bayou et divisée en quartier bien distinct les uns des autres qui offrent des environnements variés qui vont des marais putrescent à la baie luxueuse, son économie repose sur sa situation de station balnéaire pour touristes friqués. Bien qu’elle ne constitue qu’un décor de fond dans laquelle on ne pose jamais ses nageoires, elle est bien agencée et plutôt chatoyante.
Ensuite, il y a le niveau d’infamie. Quelle belle appellation. Il s’agit du degré de dangerosité et de notoriété de notre créature. Car faire couler le sang dans la populace ne reste pas sans conséquences. Aussitôt l’alerte déclarée, des hors-bords remplis de chasseurs débarquent pour vous mener la vie dure. Et il ne faut pas les prendre à la légère ! Armés jusqu’aux dents et ne vous lâchant pas d’une semelle, il faudra user et abuser de l’esquive pour espérer s’en sortir sans trop de mal. Mais si vous vous décidez à l’affrontement, cela fera donc monter la fameuse jauge infâme à chaque assaillant terrassé. À chaque nouveau palier atteint, un ‘sous-boss’ débarque et devinez ce qu’il faut faire contre cet adversaire ? Ah bah oui faut l’avaler tout cru aussi ! Que voulez vous, on ne se refait pas
ORCA
Le cheminement se révèle très fluide si vous suivez la trame principale. Vous progresserez au même rythme que vos hostiles rencontres. Globalement du moins car chaque nouvelle zone abrite une catégorie de puissance bien supérieure à la votre qui fera office de ‘police sous-marine’ (maudits alligators du Bayou !!). Tout roule donc pas trop mal… jusqu’au septième chapitre. Là vous tomberez face-à-face avec la catégorie poids-lourd des océans. Celle qui vous en mets plein la tronche et à laquelle vous balbutiez entre deux mandales : "C’est assez ! C’est assez…". La véritable engeance du mal : Les Orques. Et juste après Bim, voilà les cachalots ! À ce moment là je peux vous dire que ça ne rigole plus et que vous avez plutôt intérêt à avoir un requin boosté à fond si vous voulez tenir la distance. Pour dire un peu le différentiel de force, notre héros peut faire grimper son expérience jusqu’au level 30, où il devient un ‘MégaShark’ (pas un Mégalodon mais pas loin), là ou les Orcs marins eux tournent autour des niveaux 35/45 et certains cachalots vont même au-delà des 50…
Mais tout cela fait partie du jeu. On l’accepte. Ce qui est moins acceptable en revanche, ce sont les quelques mécaniques qui clairement ne fonctionnent pas. Et en haut de la liste, le ciblage. Le réticule de visée cible parfaitement la proie, aucun souci mais pourtant jamais le requin ne saisira l’ennemi locké. Et je dis bien: Ja-mais ! Je pense réellement que les développeurs on oublié quelques lignes de codes de ce coté-là de la programmation. Je ne vous raconte pas le bordel à l’écran lors de certains affrontements, avec la caméra qui tournent chaotiquement dans tous les sens alors que vous tentez de garder la vue sur votre adversaire. Et comme en plus, cette même caméra passe systématiquement en vue ‘rase-motte’ au dessus de l’eau à chaque fois que vous êtes trop proche de la surface quand vous enclenchez une attaque, cela peut très vite mettre les nerfs à bout. La solution ? Préférer les combats en eaux profondes et dégagées. Cela évitera quelques fâcheuses déconvenues de jouabilité.
On note aussi des problèmes de chargement. Quand on zigzague d’une zone à l’autre trop rapidement principalement. De Zone A à Zone B pas de problème mais si vous faites l’aller-retour A/B/A en quelques secondes alors un écran de chargement apparaîtra. Sur ma PS4 Fat du moins, à voir sur machine plus puissante. Le couac lié à ce désagrément vient que par trois fois au cours de ma partie j’ai eu droit à un démoniaque ‘chargement infini’. AAarrgh ! Rien de tragique mais rien d’agréable non plus.
Maneater, contrairement a ce que beaucoup disent, n’est pas le premier jeu dans lequel on joue un requin (Il y eu une adaptation des Dents de la Mer sur PS2, entre autre) mais celui-là possède sa dose de fun et de coolitude qui lui confère une personnalité des plus attachante. Et sous son air détaché et moqueur, il délivre en sous-texte une critique acerbe des ravages de l’Humanité sur les Océans. Un anti-Ecco dans la forme mais avec un discours semblable dans le fond pourrait-on dire.
Cette équipé vengeresse possède assurément du mordant mais pourra clairement en ennuyer certains au bout du deux-centième maquereau englouti. Les missions sont semblables d’une zone à l’autre sans jamais se renouveler et seules quelques confrontations de boss/sous-boss casseront cette monotonie (et encore…). Cette itération peut donc être un gros frein à la progression mais à raison de petites sessions ‘défouloir’ après d’harassante journée de travail, cela passera tout seul. Histoire d’évacuer la pression sur ces hordes de congénères nantis qui se dorent la pilule au soleil tandis que l’on trime. GNARK GNARK !!
Bonus:
Le fond de mer regorge de curiosités...
...ou de référence en tout genre.
Ma capture préférée. Regardez toujours où vous plongez, y compris dans les piscines familiales!